Un peu de philosophie tout d’abord! Pourquoi donc une chaire sur les CARBONATES, en particulier sur un minéral CaCO3 et les systèmes sédimentaires carbonatés? Une chaire qui porte sur l’Energie, l’Environnement et l’Education (ce qui donne CARB3E) dans le contexte actuel de la transition énergétique et des changements globaux? Et en plus, une chaire sponsorisée par TOTAL et la fondation d’excellence de mon université AMIDEX. Est-ce le fruit d’une stratégie scientifique complexe, à des fins mystérieuses ou pire, un micro-tweet de plus dans la bulle médiatique des sciences… Si ce sujet vous intéresse vous devez lire la suite, sinon pas d’état d’âme, tournez la page, sans regret…
Au début, il y a une histoire de rencontres. D’abord une rencontre naturelle au sein du système Terre entre les roches sédimentaires carbonatées, qui font partie de la Lithosphère, et la Vie aquatique, ou du moins avec une partie des espèces qui constituent la Biosphère Marine (microbes, algues, invertébrés dont les prestigieux coraux). Cette rencontre est très ancienne dans l’histoire de la Terre, il y a sans doute 3,5 milliard années, elle forme les fameux Stromatolites du Précambrien, les premières roches calcaires d’origine biologique, ou plutôt microbiologique, conséquence de la complicité entre des micro-algues et des bactéries/archées. -on évoquera plus loin les raisons de ce lien privilégié entre les carbonates de calcium, plutôt que les silicates ou les sulfates, et la vie marine. De cette première rencontre est née une atmosphère “respirable”, conséquence de la photosynthèse des micro-algues, et depuis les carbonates et la vie marine ne se sont plus quittés, accompagnant toutes les évolutions biologiques et les changements climatiques jusqu’à nos jours pour former par exemple les magnifiques récifs coraliens modernes, perles rares des eaux tropicales. Cet attachement des écosystèmes marins aux carbonates depuis plusieurs milliard d’années a favorisé la préservation d’archives biologiques et environnementales uniques de l’histoire de la Terre au sein des roches carbonatées. Donc, comme les historiens qui étudient toutes sortes d’archives pour comprendre l’humanité et les mécanismes complexes qui influencent son évolution, sans toute fois prétendre prédire ni influencer l’avenir (il y a d’autres spécialistes pour ça!), certains géologues, dont l’administrateur de ce site, qui s’intéressent aux roches carbonatées, contribuent à une meilleure compréhension de l’histoire des anciens environnements et écosystèmes marins; en fait ils font revivre ces environnements disparus et analysent dans les roches calcaires tous les processus physiques et biologiques qui ont contribué à façonner ces anciens milieux marins, leurs plages, qui indiquent le niveau marin, leurs fonds rocheux ou sablonneux, leurs courants, la chimie et température de leurs eaux, les vents et les tempêtes qui les balayaient et bien d’autres paramètres physiques, chimiques et biologiques qui nous sont familiers aujourd’hui comme autant de composantes de notre précieux environnement. La plupart de ces scénarios du passé sont improbables aujourd’hui, heureusement car l’humanité serait “terrassée”, mais certains ressemblent à notre environnement terrestre présent et d’autres préfigurent ceux qui nous attendent dans un futur proche. Les roches carbonatées sont bien les archives géologiques des environnements-écosystèmes marins et climats anciens conservées dans la lithosphère depuis des milliards d’années jusqu’à nos jours. Leur étude complète notre vision et notre compréhension du monde d’hier, d’aujourd’hui et de demain et elle permet de mieux comprendre ce système naturel particulier des enveloppes externes de la Terre où se mêlent la vie, l’océan et les roches calcaires (avec d’autres roches aussi…).
Pour encore mieux comprendre l’intérêt de cette chaire, il faut également évoquer une deuxième rencontre importante, conséquence de la première. Celle des fluides des enveloppes externes de la Terre avec les roches carbonatées, ce qui nous amène à considérer ces dernières comme des réservoirs et pas uniquement comme des archives géologiques! La vie et les fluides! La vie et les carbonates! Les fluides et les carbonates! Et puis le temps qui passe…C’est le tétraèdre magique de ce système complexe, et pour cause, de nature équilibriste, jamais statique, qui se déforme sans jamais rompre au temps présent et depuis les temps géologiques passés. En transformation permanente, il peut disparaître, en fusion dans les profondeurs du manteau terrestre ou bien en surface, en se volatilisant en CO2 dans l’atmosphère et libérant ses ions élémentaires dans les eaux acides continentales et dans celles presque neutralisées de l’océan. Ces interactions complexes entre les fluides, la vie et les carbonates sont favorisées dès la naissance de ce système par la nature poreuse et perméable des sédiments calcaires néoformés: les carbonates ont des espaces poreux à toutes les échelles spatiales, micrométriques (i.e. entre les cristaux) à hectométriques (i.e. les grottes karstiques). Les sédiments carbonatés (marins ou lacustres) sont presque tous d’origine biologique -on verra pourquoi plus loin- et dès leur naissance (carbonates sediments are born not made! Noel James, 1984) ils forment donc des réservoirs vivants qui contiennent les fluides à partir desquels ils ont été formés! Pour exemple, les récifs coraliens actuels, roches vivantes par excellence, sont des réservoirs pour l’eau de mer dont ils extraient les nutriments et les éléments chimiques indispensables à leur développement. Quand ils émergent, de quelques mètres à peine, au beau milieu des étendues d’eaux tropicales, immenses déserts pour la vie terrestre aérienne, ils deviennent des réservoirs d’eau douce (sous les tropiques il pleut en abondance!) formant de véritables oasis qui accueillent toutes sortes d’écosystèmes aéroterrestres, y compris des humains.
En tant que réservoirs, les carbonates forment autant de substratum complexes qui interagissent dès leur naissance avec les fluides de l’atmosphère et l’hydrosphère. Ces interactions ne cesseront jamais au cours de leur histoire géologique, en surface et dans le sous-sol, tant que leur structure minérale rigide parviendra à préserver des espaces poreux. Cette grande aptitude qu’ont les roches calcaires à former d’excellents réservoirs tient à la fois de leur origine sédimentaire poreuse, de leur instabilité chimique en surface –ce qui paradoxalement favorise la formation des vides par dissolution dans leur environnement de naissance– et de leur grande stabilité mécanique et physico-chimique à haute pression et température -ce qui permet la préservation des vides à des profondeurs souterraines importantes ( > 5000 m). On verra par la suite comment ces processus interviennent dans les cycles physico-chimiques des enveloppes externes et notamment sur le cycle du carbone (minéral) et bien évidemment sur le climat (patience on y vient …). Mais avant ça, il nous faut évoquer une relation privilégiée des réservoirs carbonatés avec un autre fluide abondant en profondeur dans les bassins sédimentaires, un fluide important de la lithosphère et du du cycle du carbone (organique): le pétrole. Désolé, c’est la vie! Le pétrole (et le gaz – du méthane par exemple), hydrocarbures de naissance, et d’origine biologique comme les carbonates, ont la fâcheuse tendance à s’accumuler dans les réservoirs carbonatées de la profondeur jusqu’en surface pour y former des fuites naturelles d’hydrocarbure connues et utilisées dès l’antiquité. On envisagera plus loin tous ces processus physico-chimiques qui opèrent au cœur des bassins sédimentaires et qui permettent la préservation géologique des grands gisements d’hydrocarbure grâce aux réservoirs carbonatés, mais vous devez bien réaliser, et ce n’est pas un secret, que les réserves d’hydrocarbures globales dans ces réservoirs sont colossales, Là on comprend mieux pourquoi cette chaire est en partie sponsorisée par l’industrie pétrolière! Dans la transition énergétique que nous vivons, ces réserves d’hydrocarbure seront primordiales même si cette affirmation peut paraître paradoxale ou choquante. On devra “sortir” des hydrocarbures, -du pétrole en particulier- grâce à eux et surtout avant leur pénurie, afin d’éviter les désastres d’un sevrage violent et de maîtriser plutôt que de subir la transition énergétique. L’industrie des énergies renouvelables est énergivore et pas encore auto-suffisante. La transition énergétique globale, par substitution ou/et sobriété énergétique (cf conférence Grands Enjeux) devra reposer sur la disponibilité d’hydrocarbures peu coûteux, sans avoir recours à des investissements lourds pour l’exploration de gisements nouveaux, ce qui nous oblige à une gestion efficace des réserves volumineuses connues des réservoirs carbonatés. Et le problème est là! Ces réservoirs contiennent d’énormes réserves, bien connues et depuis longtemps (certains gisements sont en production depuis plus de 70 ans) mais ils sont de nature complexe -comme la vie dont ils sont le fruit- difficile à prédire et à exploiter. De plus, les carbonates forment de grands aquifères d’eau douce et d’importants réservoirs géothermiques profonds et des cibles potentielles pour le stockage souterrain de C02. Voilà donc pourquoi il est nécessaire de les étudier encore et encore et de percer leur secret.
Enfin, il faut apprécier la dimension humaine et une troisième rencontre qui va aboutir à la matérialisation de cette chaire. Celle que j’ai la chance de faire, après ma thèse de doctorat en Géologie des Carbonates (1987), avec une des plus grandes aventures industrielles du 20ème siècle, à Shell, à La Haye, Pays-Bas: la globalisation de l’exploration et de la production d’hydrocarbures. A ce moment, le développement scientifique, la recherche et son application industrielle sont poussés au maximum par cette entreprise internationale, en particulier dans le domaine des carbonates. Cette culture scientifique extrême en milieu industriel me permettra (16 ans après!) de devenir professeur à l’université de Provence (Aix-Marseille 1) et de développer nombreux projets de recherche fondamentale et des formations supérieures en relation étroite avec l’industrie. Cette expérience professionnelle hybride et multiculturelle, acquise dans différents pays, m’aura sûrement détourné d’une perception manichéenne du monde scientifique et de l’industrie. C’est à la suite d’une période récente de disponibilité à TOTAL que l’idée de réaliser une chaire industrielle à l’université se concrétise avec le support de la fondation AMIDEX et de TOTAL. Cette connexion académie-industrie, pertinente et pragmatique dans un monde complexe et transitoire (cf xxxx), m’impose en tant qu’universitaire un défi sociétal très moderne, mais déjà perçu pendant la Renaissance: “…science sans conscience…” (Rabelais, Pantagruel). En tant qu’admin du site je vous laisse méditer pour l’instant sur cette citation, si vous avez des commentaires…merci
La suite à plus tard...peut-être
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3 thoughts on “Un test de l’ ADMIN du site mais un MESSAGE quand même!😊”
Il nous prend pour qui cet admin du site! c’est pas de la science c’est carbonates, enfin, tout juste capable à faire des belles photos et encore, et à raconter des histoires
sans les fautes d’orthographe ça serait mieux!
Bravo pour ce texte inspirant!